De l’Arménie contemporaine à nos jours

Pendant le Moyen Âge, l’Arménie a subi la domination de Byzance et son identité chrétienne s’est consolidée. À la fin du XVe siècle, écrasée entre l’empire perse à l’est et l’Empire ottoman à l’ouest, une grande partie de la population arménienne fuit le pays et la diaspora si disperse entre Ispahan et Constantinople, entre autres. Mais, de nouvelles périodes de turbulence attendent l’Arménie.

 Les tensions entre Ottomans et Arméniens

À la fin du XVIIIe siècle, l’Arménie est partagée entre l’Empire ottoman et l’Iran. Prétextant vouloir libérer les peuples chrétiens opprimés par les pouvoirs musulmans, la Russie tsariste mène ses conquêtes en direction du Caucase et parvient en Arménie orientale en 1813. Quinze ans plus tard, en 1828, elle gagne contre les Iraniens et reconstitue l’État arménien.

Pendant la première moitié du XIXe siècle, la réorganisation de la région conduit à l’effritement du pays et à la dispersion de sa population. Les guerres se succèdent et notamment l’affrontement entre les Russes et les Ottomans. Les partis indépendantistes et révolutionnaires s’agitent et perpétuent les massacres, dont celui des Arméniens par les troupes ottomanes entre 1894 et 1896, qui fait plus de 200 000 morts.

Les tensions entre Turcs ottomans et Arméniens sont à leur comble. Les Arméniens veulent leur indépendance, basée sur le territoire, mais aussi sur la religion qui conserve un rôle fondamental pour le peuple arménien.

Le génocide arménien par les Turcs

Les Arméniens sont considérés par les Turcs comme une minorité « infidèle » et allogène. Toute rébellion est suivie de massacres. Dans la province d’Adana, ils font plusieurs dizaines de milliers de morts.

La Première Guerre mondiale aggrave les dissensions, car le territoire arménien se situe entre la Russie et la partie ottomane, qui sont opposées pendant la Grande Guerre. Ainsi, les Arméniens sont accusés de collaborer avec les Russes pour donner un prétexte aux pires massacres. Dès 1915, le gouvernement turc met en place les mesures qui conduisent inéluctablement au génocide : les soldats sont exécutés, puis les élites. Les hommes adultes sont systématiquement assassinés, et la population musulmane est encouragée à ces massacres par les imams ottomans. Le reste de la population est déportée dans le désert syrien, dans les pires conditions, causant ainsi leur mort.

Entre 1915 et 1916, les musulmans ont massacré plus d’un million d’Arméniens ayant le tort de ne pas partager leur religion. Le génocide est aujourd’hui reconnu par de nombreux états, ainsi que par le Parlement européen. La date de commémoration retenue est le 24 avril 1915, alors que 650 intellectuels arméniens ont été arrêtés et déportés. En 2019, les Turcs refusent toujours de reconnaître leur génocide.

La nouvelle et courte indépendance

Depuis la première fois depuis le XIVe siècle, l’Arménie est de nouveau reconnue comme indépendante le 4 juin 1918 par le traité de Batoum signé par l’Empire ottoman. Le pays, dirigé par le parti Dachnak, s’étend sur dix mille kilomètres carrés autour d’Erevan, qui devient sa capitale. Pendant cette très courte indépendance, l’Arménie accorde le droit de vote aux femmes en 1919.

En 1920, le traité de Sèvres accorde une portion de l’est de l’actuelle Turquie, ce qui multiplie par cinq la surface de l’Arménie, mais elle doit y renoncer après la guerre menée par la Turquie kémaliste. Le pays est ensuite envahi par la Russie bolchévique. Il devient l’une des quinze républiques socialistes soviétiques qui composent l’URSS à partir de 1920.

L’Arménie pendant la Seconde Guerre Mondiale

Le front de l’est n’ayant pas atteint le sud du Caucase – malgré la volonté d’Hitler qui souhaitait s’emparer des champs pétroliers de l’Azerbaïdjan – l’Arménie ne connaît pas les dévastations de l’ouest de l’URSS. Elle va apporter une assistance notable dans d’industrie et la production agricole.

Appartenant à l’URSS, les soldats arméniens doivent combattre pour l’armée de l’Union Soviétique. Le général Hovhannès Bagramian prend les commandes du front balte en 1943. Il est le premier non slave à commander une opération de cette envergure. Grâce à la reprise du Dniestr, il sera élevé au titre de Héros de l’Union soviétique.

Entre 300 et 500 000 Arméniens ont servi à la guerre, dont la moitié ne reviendra pas. La guerre est la seule période pendant laquelle Staline laisse un peu de répit à l’église arménienne.

Le retour à l’indépendance

Depuis 1920, le pays subit la collectivisation et la planification communistes. Moscou tente d’anéantir l’Église arménienne, mais échoue. Les opposants aux Soviétiques sont envoyés au goulag et la situation économique est catastrophique, comme partout où sévissent les communistes.

Il faut attendre la mort de Staline, en 1953, pour que le pays retrouve un peu de ses couleurs, grâce à une agriculture qui profite d’un climat propice et à l’industrie qui se développe avec l’extraction de matières premières, comme les métaux et les minerais (cuivre, diamants).

Dans le pays, le sentiment national est toujours très fort et même le communisme ne réussit pas à museler son expression. Le 24 avril 1965, une manifestation de commémoration du génocide est organisée à Erevan et le peuple ose y venir nombreux. En 1966, un parti nationaliste clandestin se forme en catimini, le Parti de l’Unité Nationale.

La glasnost et la pérestroïka de Mikhaïl Gorbatchev permettent à l’Arménie de mettre en place une Union pour l’autodétermination nationale en 1987. De grandes manifestations ont lieu les 17 et 18 octobre 1987 pour pousser vers l’indépendance. En 1988, le Haut-Karabagh azéri est rattaché à l’Arménie.

Plus d’un an avant la chute de l’URSS, le 23 août 1990, l’Arménie déclare sa souveraineté. Levon Ter-Petrossian, figure de proue de l’engagement en faveur du rattachement du Haut-Karabagh, incarne l’aspiration nationaliste.

Un nouveau parlement est élu et le Mouvement national arménien, parti de Ter-Petrossian, arrive victorieux. Le 16 octobre 1991, Ter-Petrossian devient le président de la République d’Arménie, proclamée indépendante le 21 septembre 1991, après la réussite de son coup d’État contre Gorbatchev.

Le conflit avec l’Azerbaïdjan

La nouvelle république connaît une période économique difficile, aggravée par le conflit armé avec l’Azerbaïdjan pour la question du Haut-Karabagh, depuis 1988. La région connaît à ce moment une scission avec d’un côté le trio Russie-Arménie-Iran, et de l’autre, l’attelage Turquie-Géorgie-Azerbaïdjan.

Malgré un cessez-le-feu, signé en mai 1994, autour de la question du Haut-Karabagh, le conflit larvé qui demeure oblige Levon Ter-Petrossian à démissionner en 1998, car il est jugé trop laxiste. Son successeur, Robert Katcharian trouve un semblant d’issue, grâce à l’appui de l’Europe dont l’Arménie a rejoint le conseil en 2000.

L’Arménie des années 2000

La diaspora, solidement implantée à l’étranger, permet le développement de l’Arménie en exerçant son influence à distance, par un système de lobbying. En avril 2008, Serge Sargsian est le nouveau président élu.

L’Église apostolique arménienne, toujours aussi puissante, a réintégré son siège de Etchmiadzin lors de la proclamation de la République d’Arménie. Forte de plus de six millions de fidèles, elle demeure dirigée par le catholicos de tous les Arméniens.

Depuis 2018, le président de la République d’Arménie est élu au suffrage universel indirect – c’est-à-dire par les députés – pour un mandat de sept ans, non renouvelable. La fonction de président de la République est honorifique, car c’est le Premier ministre qui détient le pouvoir exécutif.

Depuis le 9 avril 2018, le président de la République est Armen Sarkissian.

L’importance de la diaspora arménienne aujourd’hui

Deux tiers de la population arménienne ne vit pas en Arménie ! Soit une population de 10 millions d’Arméniens, mais seulement 3 millions résidant sur leur territoire. Depuis le génocide de 1915, et même avant, la population n’a cessé de fuir son pays.

La diaspora est majoritairement implantée en Russie (2,2 millions), aux États-Unis (1,2 million) et en Europe (600 000). Le décompte est opéré en tenant compte des personnes nées en territoire étranger. Il faut cependant relativiser, car certains pays, dont la France, refusent les statistiques ethniques.

La France, première terre d’accueil des Arméniens

Parmi les pays européens, la France serait le premier pays d’accueil avec 400 000 Arméniens, selon le Comité de défense de la cause arménienne (CDCA) et le Centre de recherches sur la diaspora arménienne (CRDA).

Marseille est la première ville d’accueil. La diaspora a ensuite gagné les villes du Rhône avec Lyon, Valence, Saint-Etienne, avant d’arriver à Paris. Les Arméniens de Russie ont aussi rejoint la France à partir de 1917, pour fuir les communistes, et notamment la bourgeoisie qui se faisait massacrer.

Les raisons évidentes d’une telle diaspora

Le passé géopolitique agité, le génocide par les Turcs (et jamais reconnu depuis !), la chute de l’URSS sont autant de facteurs qui ont poussé le peuple arménien à fuir son pays.

Beaucoup d’Arméniens installés en Syrie sont revenus dans leur pays d’origine depuis la guerre qui y a éclaté en 2011. Cependant, beaucoup fuient encore le pays, estimant qu’il ne se modernise pas assez rapidement.

En conséquence, la population arménienne vieillit et le pays a du mal à se développer. Cependant, la diaspora ayant bien réussi à l’étranger représente un atout majeur pour le pays, grâce aux échanges dynamiques entre les deux populations.

Le 6e Forum de la diaspora qui s’est déroulé à Erevan en septembre 2018 avait pour titre « Confiance Réciproque, Unité et Responsabilité ». Il rassemblait la population arménienne disséminée sur soixante-et-onze pays.