De l’Antiquité au Moyen-Âge
Située au nord-est de l’Anatolie, l’Arménie partage aujourd’hui ses frontières avec l’Iran, la Géorgie, la Turquie et la Russie. Les traces de son histoire remontent à la préhistoire et le pays s’est forgé une identité remarquablement solide, soudée depuis le IVe siècle par la religion chrétienne qui est demeurée le ciment de la population, malgré les invasions et les dominations successives.
Sa situation géographique – au carrefour entre les grands empires de l’Antiquité et du Moyen Âge – a fait du pays la convoitise de bien des peuples. Plusieurs fois, elle a conquis son indépendance et plusieurs fois elle a dû l’abandonner, mais jamais le peuple ne s’est résigné et elle est aujourd’hui une République indépendante.
Les origines de l’histoire d’Arménie
Les premières traces d’habitation en Arménie datent de la préhistoire et témoignent d’organisations humaines structurées. Il faut cependant attendre 883 avant Jésus Christ pour trouver les preuves d’une existence politique arménienne, avec le royaume d’Urartu.
Ce royaume, incroyablement en avance sur son temps, est né de l’unification des tribus installées sur le territoire de l’actuelle Arménie. Il est très en pointe pour l’époque, avec la construction de citadelles imposantes, l’élevage de chevaux, ainsi que le développement de la métallurgie et le travail du bronze.
Entre 840 et 830, le roi Sarduri 1er – ou Sapur 1er – fonde la ville de Tushpa qui devient la capitale de son royaume. Tushpa correspond au site actuel de Van Kalesi, en Turquie orientale
En 782 avant Jésus Christ, on retrouve déjà les traces de la création, par le roi Argisthi 1er, de la ville d’Erebouni, aujourd’hui Erevan, la capitale de l’Arménie.
Urartu s’oppose au royaume s’Assyrie qui lorgne sur son territoire, mais aussi aux Scythes des steppes eurasiennes et aux Mèdes venus du nord-ouest de l’Iran. Le territoire est restreint et son relief montagneux, difficile à conquérir, mais son emplacement stratégique attire les conquérants venus de tous côtés.
La conquête par les Perses
Malgré la résistance acharnée des autochtones, en 590 avant Jésus Christ, le pays est conquis par les Mèdes qui détruisent l’organisation naissante du peuple arménien. La domination perse achéménide va durer deux siècles. Le pays est divisé en deux satrapies (une satrapie représentant une division administrative de l’empire achéménide soumise à un gouverneur).
L’unité territoriale est malgré tout conservée. Le peuple arménien doit payer un tribut à l’Empire qui l’occupe. Ayant perpétué leurs compétences remarquables pour l’élevage des chevaux, la redevance est payée, sous forme de poulains, des biens extrêmement précieux à l’époque.
La domination perse, qui dure deux siècles, a pour conséquence l’introduction d’éléments de la civilisation iranienne en Arménie.
La conquête d’Alexandre le Grand
En 331 avant Jésus Christ, Alexandre Le Grand conquiert toute la région, permettant à l’Arménie de retrouver sont intégrité territoriale, mais surtout une existence indépendante qui se fond dans la culture hellène. Le pays se reconstitue en royaume, grâce au roi Oronte III (317-260 avant J.-C.), descendant d’un satrape.
Au début du IIe siècle avant Jésus Christ, le général Artaxias s’empare du pouvoir et part à la conquête de nouveaux territoires, par la guerre, mais aussi grâce à des arrangements diplomatiques. Le pays gagne considérablement en superficie.
Mais, pendant ce temps, les Parthes envahissent la Perse et revendiquent leur souveraineté sur l’Arménie. Elle se voit donc réintégrée dans l’Empire perse au IIe siècle avant Jésus Christ. Les Arméniens doivent de nouveau payer un tribut à leurs envahisseurs pour conserver un semblant de souveraineté.
L’apogée arménienne
Malgré une histoire bousculée par les conquêtes successives, c’est pendant le premier siècle avant Jésus Christ que l’Arménie connaît son apogée, sous le règne du roi Tigrane II (95-55 avant J.-C.), avec une expansion géographique maximale.
Tigrane II est un roi diplomate qui comprend l’importance des rapprochements entre les dirigeants des pays. Avec lui, l’Arménie devient influente, grâce à une alliance avec le royaume du Pont – situé sur la côte méridionale de la mer Noire – scellée par le mariage entre Tigrane II et Cléopâtre, la fille de Mithridate VI roi du Pont. Cette union permet également au roi de résister contre l’empire Romain conquérant.
Fait important pour la suite de son histoire, c’est aussi à cette époque que l’Arménie abandonne le polythéisme au profit du monothéisme, avec le zoroastrisme perse.
Rome redoute la puissance du royaume arménien et charge son général Lucullus de l’envahir. Tigrane II doit s’allier aux Romains pour conserver son trône. À sa mort, en 55 avant jésus Christ, Rome reprend le pouvoir et détruit le royaume arménien, devenu territoire romain en l’an 1.
Retournement de situation en 66, avec l’empereur Néron qui couronne le premier roi arsacide d’Arménie, Tiridate Ier. Sa dynastie établit un système hiérarchique ressemblant à la féodalité et se maintient au pouvoir jusqu’en 428.
L’Arménie chrétienne
L’évangélisation de l’Arménie est imputée au prédicateur Saint Grégoire, dit l’Illuminateur (257-331). En convaincant le roi Tiridate IV (298-330) de se convertir, il fait de l’Arménie le premier État officiellement chrétien au monde. Devenu Grégoire 1er, il est le premier patriarche de l’Église arménienne.
En 405, le moine Mesrop Machtots invente l’alphabet arménien. Il permet de traduire les textes sacrés et s’impose dans le pays, éliminant tous les autres alphabets, grec, syriaque et persan. C’est ainsi qu’est née l’unité linguistique de l’Arménie.
La christianisation plonge d’abord le pays dans le chaos, car les Sassanides qui ont instauré le zoroastrisme s’y opposent. La lutte religieuse est féroce et trouve son apogée dans la bataille d’Avarayr en 451. Les Arméniens revendiquent leur indépendance culturelle, politique et religieuse.
Le peuple arménien s’attache rapidement et très profondément à la religion chrétienne. En 506, l’Église arménienne dénonce le concile de Chalcédoine datant de 451, le patriarche prend le titre de « catholicos », et affirme son indépendance de l’Église.
L’Empire byzantin christianisé en 312 conquiert à son tour l’Arménie en 629. La domination est de courte durée, car la conquête arabe vient à nouveau bouleverser le pays en 653.
Le Moyen Âge et la conquête islamique
Après la conquête islamique, l’Arménie, définitivement chrétienne, demeure sous l’influence de l’Empire byzantin chrétien.
Le pays est envahi en 645 par les arabes et devient tributaire du califat médinois en 653. Il doit en reconnaître l’autorité en 661. Le pays réussit cependant à conserver sa culture et sa religion, mais il doit payer un impôt que les musulmans prélèvent sur les non musulmans.
À la fin du VIIe siècle, alors que l’Arménie passe sous administration directe du califat, les règles se durcissent et les non musulmans sont brimés et encore plus écrasés par l’impôt. Les révoltes du peuple sont durement réprimées, dans la violence et le sang. En 772, la bataille de Bagrévand assied la domination arabe.
Pendant ce temps, une partie de la population arménienne qui s’était installée sur le territoire byzantin au cours du VIe siècle se développe. Elle a participé à la création d’une nouvelle circonscription byzantine qui a pris le nom de « thème des Arméniaques », sous l’impulsion du roi romain Maurice 1er (539-602).
Paradoxe de l’époque, l’identité arménienne chrétienne demeure toujours extrêmement forte, même si son peuple ne vit pas toujours dans son pays.
Les conséquences de la domination musulmane
Sous domination musulmane, l’Arménie connaît une désorganisation politique dramatique, due, entre autres, à l’affaiblissement de l’empire abbasside de Bagdad à cette époque.
Les grandes familles arméniennes – les nakharark – profitent de la faiblesse des arabes pour restaurer un pouvoir autochtone, ce qui est fait en 862. En 885, Achôt 1er est reconnu roi des Arméniens par Byzance et par le califat arabe. Son règne donne lieu à un essor économique majeur et s’accompagne de la restauration des lieux de culte chrétiens et la construction de nouvelles églises.
Pourtant, les nakharark s’accommodent mal du pouvoir royal et le pays se fissure. Les Byzantins en profitent pour le reconquérir en 1045. Un peu plus tard, les Turcs arrivent aussi à envahir une partie du pays, dans la région d’Ani en 1064.
Face aux Turcs, les Arméniens se rapprochent de Byzance et créent une sorte de nouvel état arménien au sud-est de l’Anatolie, en 1080. Ce royaume arménien de Cilicie se veut indépendant, basé sur un modèle occidental, et se rapproche de l’Église catholique. Léon 1er est reconnu roi des Arméniens par le pape en 1198.
Le royaume arménien de Cilicie disparaît en 1375, à la suite de l’invasion mongole et des Mamelouks d’Égypte.
La fin du Moyen Âge
Pendant le Moyen Âge, l’Arménie demeure un territoire vassal de Byzance, ce qui exacerbe le sentiment national qui se cristallise autour de la religion chrétienne. À la fin du XVe siècle, le pays se retrouve au carrefour entre l’Empire ottoman à l’ouest et l’empire perse à l’est. Les grandes familles sont détruites, la diaspora se développe, et le territoire se morcelle.
Les Arméniens s’installent à Constantinople ou à Ispahan et excellent dans le commerce international et la finance. Ils fondent la première imprimerie de Constantinople en 1567, ainsi que la première imprimerie de Perse en 1636.
La première Bible arménienne est imprimée en 1666 à Amsterdam, où la diaspora s’est aussi installée.
Avec la fin du Moyen Âge, s’ouvre une nouvelle époque, tout aussi mouvementée, et le pays a encore de nombreux combats à porter avant de devenir la démocratie que nous connaissons aujourd’hui.